Assurance de personnes

La prescription en assurance emprunteur : tout ce que vous devez savoir

En matière d’assurance emprunteur, un sinistre ne suffit pas à déclencher le délai de prescription. La jurisprudence est claire : le compte à rebours ne démarre qu’au refus de l’assureur ou à la demande de paiement de la banque. Un cas récent vient rappeler cette règle déterminante pour les emprunteurs.

Un litige né d’un arrêt de travail
Souscrire un prêt immobilier s’accompagne le plus souvent d’une assurance emprunteur, destinée à couvrir tout ou partie des mensualités en cas de coup dur : décès, invalidité, incapacité de travail.
 

C’est dans ce cadre qu’un assuré, ayant contracté un emprunt en mai 2019, avait adhéré à une assurance de groupe couvrant l’incapacité temporaire totale de travail. En juillet 2019, il est placé en arrêt maladie prolongé. Trois ans plus tard, en février 2022, il sollicite l’activation de sa garantie pour que l’assureur prenne en charge ses échéances.
 

Mais en avril 2022, l’assureur lui oppose un refus catégorique : l’action de l’assuré serait prescrite, conformément à l’article L.114-1 du Code des assurances, qui fixe un délai de deux ans pour agir en justice à compter de « l’événement qui y donne naissance ». Pour l’assureur, cet événement n’était autre que le sinistre initial : l’arrêt de travail de juillet 2019. Un argumentaire que l’avocat de l’assuré a immédiatement contesté.

Une jurisprudence constante : le sinistre ne suffit pas
La clé du litige repose sur l’interprétation du point de départ de la prescription biennale. Si le Code des assurances parle d’un délai de deux ans « à compter de l’événement », la jurisprudence, elle, distingue selon la nature du contrat.
 

Dans le cas des contrats collectifs d’assurance emprunteur, la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que le délai ne commence pas à la date du sinistre, mais au jour du refus de garantie par l’assureur ou de la mise en demeure de paiement émise par l’établissement prêteur (Cass. 1re Civ., 27 mars 2001, n° 98-20.595 ; Cass. 2e Civ., 6 février 2014, n° 13-13870).
 

Autrement dit, l’événement qui « fait naître » l’action de l’assuré n’est pas l’accident ou la maladie, mais bien la décision négative de l’assureur. Dans le cas examiné, ce refus n’intervient qu’en avril 2022. Le délai de prescription biennale ne peut donc courir qu’à compter de cette date.

Les conséquences pratiques pour les emprunteurs
Cette précision est loin d’être théorique. Pour les millions de Français couverts par un contrat d’assurance emprunteur, elle détermine la possibilité ou non d’obtenir une indemnisation. Dans ce dossier, si l’argument de l’assureur avait été retenu, l’action de l’assuré aurait été irrecevable, car engagée plus de deux ans après l’arrêt de travail.
 

Or, le Médiateur de l’assurance rappelle que l’assuré reste fondé à demander la prise en charge, dès lors que le refus de garantie est intervenu en avril 2022, point de départ du délai. « Beaucoup d’assurés ignorent cette subtilité juridique et baissent les bras face à un refus qu’ils croient définitif », explique un avocat spécialisé en droit des assurances.
 

Ce rappel vaut aussi pour les établissements bancaires : une demande de paiement adressée par la banque à l’emprunteur peut également constituer le déclencheur de la prescription, même sans refus explicite de l’assureur.

Vers plus de clarté pour les assurés ?
La règle paraît simple, mais elle reste source de confusion. Pour l’assuré, la frontière entre sinistre, déclaration, refus et action en justice n’est pas toujours lisible. Les assureurs, de leur côté, continuent parfois d’opposer la prescription à tort, dans l’espoir de décourager des recours.
 

La transparence contractuelle devient donc essentielle. Plusieurs juristes appellent à ce que les notices d’information remises aux assurés précisent clairement le point de départ de la prescription, afin d’éviter des contentieux inutiles.
 

Dans un contexte où l’assurance emprunteur a déjà connu d’importantes réformes – ouverture à la concurrence avec la loi Hamon, possibilité de résiliation à tout moment instaurée par la loi Lemoine –, ce rappel jurisprudentiel constitue une nouvelle pierre dans la défense des droits des emprunteurs.

Moralité : en assurance emprunteur, le temps joue contre l’assuré… mais il ne commence à courir qu’au moment du refus. Un détail juridique qui peut tout changer dans l’issue d’un litige, et qui mérite d’être mieux connu de tous les emprunteurs.